dimanche 25 novembre 2007

Avril 2007: Descente vers Valdivia - semaine 6

Des Iles Galapagos vers Valdivia au Chili

Jeudi 12 Avril (36 ème Jour)
Position : 39°29.280 S – 78°04.400 W - GPS : 12708 - Cap : 65°>100° - Sog : 5>6 nœuds Reste 215 miles
milesMiles parcourus: 100 miles = 4.16 noeuds de moyenne Moteur: 2h00
Wind : W-WSW 4>5 Be - la nuit 18h00 : depression NW Gale 7>8 Be rafales > 43 nœuds
Mer: moyenne la journée mais à partir 18h00 de plus en plus forte avec déferlantes énormes plusieurs mètres
Ciel : Bleu prévisions mauvaises arrivée de plusieurs fronts froids et dépressions venues par le Nord.

Je reçois enfin mes grips météo, depuis hier la réception était mauvaise. Confirmation, les vents vont s’établir au secteur Nord pour les 5 prochains jours !!!!! avec plusieurs grosses dépressions.... Je choisis définitivement l’option Nord, je remonte sur ma route le plus Nord possible pour pouvoir ensuite redescendre sur la lat 40° vers Valdivia, plus de 100 miles perdus à faire du Sud ces deux derniers jours. Je mets beaucoup de toile et avec un Wind SW-WSW, faut remonter le plus rapidement sinon ça va être le bordel pour arriver à Valdivia. Je barre non stop, je suis très motivé car je sais que c’est important.
17h00 : le vent tourne au W-WNW, la première dépression, je me fais vite un spaghetti pour avoir des calories pour la nuit et pouvoir piocher dans la casserole les prochaines heures.
21h00 : wind NW 5>6 Be cap sur Valdivia, le vent monte, quelques tours de rouleaux dans le génois en prévision, car la nuit c’est toujours plus inquiétant on ne voit rien venir, on devine...
Reçois un dernier grip sur prochaines 12h, c’est pas du gâteau, vents NW 35/40 nœuds donc faut s’attendre à du gros temps. Carlos est paniqué à la vue du grip météo, ce qu’il craint le plus c’est de devoir faire des quarts la nuit.... je le laisse se reposer, de toute façon il n'est pas en état d’assurer un quart de façon lucide.
23h : Wind 6>8 Be, on est en fuite mais sur le bon cap, on file très vite, même forte la mer est encore acceptable. Je surveille le pilote depuis la table à carte, j’en aurai passé des heures face à l’écran d’ordinateur! J’ai le pantalon de ciré de Chouchou, confortable car léger, mes bottes, je peux vite agir dehors.
00h : Wind 7>9 Be avec violentes rafales > 43 nœuds, je réduis le génois à 10 tours de rouleaux on va trop vite, au delà de 8 nœuds en bas de la houle on se plante dans les vagues avec un choc très dur, c’est le problème lorsque le bateau est sous pilote, lui il fait son cap mais ne voit pas les déferlantes et on enfourne systématiquement, très mauvais pour le matos et le gréement. Souvent je reprends la barre 20 minutes pour soulager le pilote mais surtout pour me rendre compte des conditions de mer et vent.
03h00 : toujours mêmes conditions de vent, la mer se creuse, plusieurs mètres, je suis certain après avoir longuement regardé, les déferlantes sont au dessus de l’artimon qui mesure 7,50m, elles viennent à 150° tribord. Elles soulèvent les 14 tonnes de Petrushka comme une petite paille et l’emportent avec elles.
La nuit tu ne vois que l’écume blanche du rouleau au dessus de la vague et le bruit du roulement lorsqu’elle arrive. Petrushka est soulevé et ensuite glisse en surf jusqu’en bas, de nuit c’est hyper stressant car tu peux quasi rien faire, on sent la brutale accélération, on voit le cap changer car le bateau au surf dérape soit tribord ou bâbord. Dans ces conditions, je n’aime pas confier Petrushka au pilote, même si depuis des mois je suis confiant dans ses capacités, mais la tension est extrême, mieux vaut rester éveillé à la barre.
05h00 : il semble que cela se calme un peu, je réveille Carlos, qui dort depuis hier soir, bouchons dans les oreilles, bandeau sur les yeux etc.... lui donne quelques recommandations, m’assure qu il est tout à fait lucide et je vais me coucher tout habillé jusqu’à 07h30 mais avec la télécommande du pilote en main....


Vendredi 13 Avril (37 ème Jour)
Position : 39°21.507 S – 75°43.374 W GPS : 12824 Cap : 98° Sog : 5>6.5 nœuds Reste : 109 Miles
Miles parcourus: 116 miles = 4.8 noeuds Moteur :2h00
Wind: NE Gale7>8 Be
Mer: Très forte avec déferlantes très hautes conditions difficiles « Le Sud, les Quarantièmes »
Ciel : couvert, pluie glaciale.

A 7h30 : je me lève calmement, j’ouvre le panneau, Carlos est là, OK, je le rassure : je vais le remplacer, mais après mon café..... je deviens cruel ? La mer est baveuse, mais il y a des éclaircies sur le NW.
Ok derniers grips confirment, le choix est bon on va descendre sur Valdivia avec les différentes dépressions qui viennent du NE>N>NW, cela ne va pas être reposant mais on rentre.....reste moins de 100 miles, incroyable je commence à y croire vraiment !
09h00 : wind NW toujours entre 6>8 Be, suis à la barre pour faire de la vitesse, j’ai sorti plus de génois et avec l’artimon avec un ris on file sur le fond entre 6>8 nœuds, à l intérieur cela ne doit pas être jojo, pauvre Carlos. Pourvu qu il reste en vie pour voir la terre....promise...elle est si proche ce serait dommage....
11h00 : cela augmente encore, le vent en permanence plus de 7 Be, mais suis sûr que c’est la fin de cette dépression car l’horizon est clair. On voit même un peu de soleil, mon moral est au top, suis très heureux d’être là avec Petrushka, je prends mon pied... à la barre, je suis heureux malgré ma fatigue et le froid.
12h30 : le vent passe brusquement au SW>W, je vire immédiatement de bord, hisse la suédoise, génois 100% et artimon, cap serré sur Valdivia le plus vite possible car d’autres dépressions arrivent, la pluie est de retour. Au virement bord, Carlos a été retourné comme une crêpe, il vient voir ce qui se passe, fume une clope et se recouche, sur le bon bord, on gîte très fort.
14h00 : la pluie cesse, le vent passe au WSW, c’est un peu fou , j’aimerais comprendre, avec l’anticyclone les vents tournent sens contraire de la montre mais cela va si vite.... une vraie toupie.
15h00 : wind de retour5>6 au NW, avec toute cette toile et à la barre, j’ai envie de cravacher ferme pour arriver de jour à l’entrée du Rio Valdivia, du rodéo sur la mer, c’est pas facile, je sens que l’on va rater notre arrivée, pas moyen de serrer plus SE, je revire de bord pour essayer, négatif, Carlos a dû être retourné une nouvelle fois, je repars sur le bord précédent, sors aussi le solent, toute la garde robe, il faut faire un max, se battre pour gagner en SE encore des miles pendant quelques heures.
18h00 : je réalise que je vais devoir faire un bord plein Nord = perdre du terrain pour me rapprocher de la côte, je ne sais pas si Eole a vraiment envie de nous amener à terre... à Valdivia.
20h00 : vire une nouvelle fois de bord, plein NE, au près serré du vent NW , faut gagner vers la terre même si je crains sur cette option d’être cueilli par la prochaine dépression NW sur les hauts fonds de la côte, mais je n’ai pas le choix. Stress et non repos, j’en ai un peu marre, je réveille Carlos pour me remplacer pour surveiller les alentours, mets Petrushka sous pilote, j’ai besoin de souffler, de réfléchir, comment faire pour arriver en sécurité, il n’a pas l’air heureux, pense que je le fais exprès, ces différents virements et l’allure à laquelle je mène Petrushka, dit n’avoir pas pu dormir, quelle tête il fait, je lui dis que l’on arrive sur la côte mais qu’il faut que j étudie la situation, il fait la gueule, il ne réalise pas ......
21h30 : on empanne avec une violence inouïe, j’étais en train de mettre des chaussettes sèches, je suis projeté entre le coffre moteur et la table à carte, mon bol de céréales qui était dans l évier traverse le carré, tout est maculé... que s’est-il passé, j’ai très mal au dos, aux chevilles, aux bras, je sors en urgence , Petrushka toutes voiles dehors est à contre, 6 Be gîté, pont dans l’eau...« Carlos...cigarette au bec, marmonne, c’est une vague... NON ton cap n’est pas bon, impossible... ok je comprends il a poussé sur le bouton track et fait faire un virement de bord au pilote, faut maintenant remettre le bateau au vent, génois 100% à contre, un vrai bordel, je ne suis pas habillé, suis sorti en T tshirt et short , j’ai peur de déchirer le génois car le vent est violent, je rétablis difficilement la situation, une fois terminé, je lui passe un savon colossal, car j’ai très mal, suis trempé, le froid, c’est dingue, d’arriver si près et d’être presque blessé, le con ... pour sa punition il restera de quart jusqu’à minuit. Il se tait ....heureusement pour lui car je suis furieux, ouf demain on arrive, je le débarquerai avec plaisir.
00h00 : wind W faible 10 nœuds, ciel étoilé, la mer s’est calmée mais la houle est très forte et fait rouler Petrushka d’un bord à l’autre, on touche les hauts fonds du plateau continental, reste 42 miles jusqu’au Rio Valdivia. Le vent se calme tout doucement. Impossible de dormir, j’ai mal partout suite de ma chute dans le carré et pas confiance en Carlos si près de l’arrivée, il est capable de dormir pendant son quart.
Je me lève et envoie Carlos se coucher, je suis seul dehors pour savourer cette arrivée, sous pilote, je vais du cockpit à la table à carte et prends 15 minutes de repos dans ma bannette, va et vient permanent car faut surveiller si pas d’autres bateaux autour de nous, on est sur des zones de pêche et on touche au but.
2h30 : pétole totale, on dérive très vite NE, je démarre le moteur, on a peu de mazout mais ici le long de la cote la dérive des courants Sud vers le Nord est forte pour les prochaines 6 heures donc on doit absolument avancer. Réveille mon ami et le mets à nouveau en surveillance des bateaux de pêche éventuels, je vais dormir un peu avec Petrushka sous moteur. J’insiste fortement auprès de Carlos de faire attention autour.
A 04h00, Carlos m’appelle, il y a un bateau, je sors voir, après un moment, je constate que c’est une étoile très basse sur l’horizon, il bruine légèrement, conditions pénibles à l’extérieur, Carlos me demande pour aller redormir, Ok , laisse moi seul, je préfère.....
On voit le phare de Rocura Point, 1 x toutes les 10 secondes, chaudement habillé, j’ai décidé de vivre mon bonheur à l’extérieur, c’est merveilleux ce voyage, vraiment pas facile, j’ai appris énormément, surtout à dominer mes peurs et mes réactions trop vives face aux conditions de mer et de vent.
Petrushka, quel magnifique voilier dans les dures conditions de mer, il n’est pas confortable à l’intérieur
(sauf dans la bannette avec un maximum de coussins) mais quel sentiment de sécurité, rien ne résonne, simplement lui il cogne dur, ne se laisse pas faire.... Une confiance totale en lui, faut continuer à bien le soigner, s’occuper de lui, on se connaît bien maintenant Lui et Moi, on se protège l’un l’autre.

Samedi 14 avril (38 ème jour)
07H00, TERRE TERRE, entrée du Rio Valdivia
Position : 39°48.198 S – 73°39.654 W GPS : 12945 Cap : 105° Sog : 5 nœuds RESTE : 6, 95 miles
Miles parcourus : 121 miles = 5.04 miles Moteur : 16h (depuis 02h00 cette nuit, pétole totale)
Wind : > 20h00 NE Gale 7>8 Be ensuite WSW>NW>W !!! fin du Gale
Mer : Tres dure forte houle et déferlantes a l’approche de la côte et de la remontée des fonds
Ciel, couvert le matin ensuite plein soleil pour notre arrivée......

06h00 : on distingue la côte et les contre forts de La Cordillère des Andes, l’aube se lève, j’éprouve une énorme émotion, je caresse Petrushka, j’ai les larmes aux yeux, quel bonheur, dommage de le vivre SEUL, sans Chouchou et ne pouvoir partager ensemble ce moment sublime, je réalise une partie de mon Rêve, c’est fabuleux, je plane de bonheur malgré la pesanteur d’une profonde fatigue physique.
Les deux derniers jours ont été très difficiles physiquement, en manœuvres en permanence et peu de sommeil.
Les heures suivantes, tout va très vite, entrée du Rio Valdivia, très large, un ancien fort Espagnol sur chaque cap, un gros chalutier me précède et me facilite la tâche de repérage, mais ici chez les Chiliens tout est impec, balisage, bouées chenal (inversées) etc.. pays moderne et bien organisé. J’essaie d’atteindre la Marina par VHF et c’est Azzar, Normande qui me répond..... on est attendus avec beaucoup de joie.
Calmement, sous pilote (Carlos dort toujours) je prépare les pare-battages, les amarres, ferle les voiles avec soin faut avoir la classe en arrivant car Petrushka le mérite bien, tout est ok, cette remontée est superbe, berges boisées, montagnes, chalets en bois, jardins fleuris, impression de paysages suisses ou scandinaves, quel calme c’est impressionnant cette nature, tout ce vert après autant de bleu et de gris. C’est beau.
Carlos se lève, il est 11h30, il prépare son sac, traîne en bas et enfin monte à l’extérieur, un simple bonjour, pas de manifestation de joie d’être arrivé, RIEN, il regarde vaguement le paysage, aucune aide pour l’arrivée, je sens une tension certaine vis-à-vis de moi, heureusement qu’il se contient sinon je le balance dans la flotte. Je crois que l incident de la nuit passée c’est trop pour lui, son orgueil est touché.
14h30 : Accostage, Claude et Normande nous attendent ainsi que le personnel de la marina.
LE VOYAGE EST TERMINE – L’endroit est beau, calme, paisible, j’en ai bien besoin.....
Apres deux heures de formalités avec l’Armada, les Douanes, Inspection Sanitaire tout est en ordre, Carlos prend son sac pour aller loger à l’hôtel, je ne le reverrai que pendant 5 minutes le lendemain pour récupérer sa clé USB, aucun commentaire, il a une grosse allergie au bateau, à la mer, une aversion définitive. Je ne trouve pas les mots pour lui parler, lui n’en a pas envie et l’on se quitte en silence.


Durée : 37 Jours + 16 heures.
Miles parcourus : 3.966 au GPS - moyenne : 4,34 nœuds/heure
Conditions météo : anormales, difficiles : Vents SE-ESE-E permanents entre 5>7 Be
Fréquentes tempêtes 7>8 Be avec rafales à 9>10 Be. Périodes de «calmes plats» hors de la ZCI. Anticyclone Sud très bas sur 40° Lat Sud avec vents tournants du W-SW vers NW –N-NE !!!!
Mer : difficile, à la grande houle normale sous ces latitudes, s’ajoutaient des vagues croisées, déferlantes. Résultat des vents instables, violents et tournants en permanence.
Les conditions mer et vents de cette année sont contraires aux statistiques des Pilots Charts des dix dernières années, l’effet de serre, la modification du climat a été très perceptible sur cette navigation.
Heures moteur : 190 Hrs principalement recharge batteries et zone de pétole totale.

39 ème Jour : Dimanche 15 Avril 2007.
Je me réveille au calme, rien ne bouge merveilleuse sensation. Je regarde à l’extérieur, mes amies les vagues et leur copine la houle sont remplacées par un paysage bucolique. Un beau cours d’eau, des roseaux, des canards et des cygnes. Le ciel est bas, il va certainement pleuvoir, quel endroit paisible, je prends mon café lentement, sans danger de le renverser, je savoure le bonheur d’être arrivé sans problème, je suis fatigué mais j’ai le corps et la tête qui planent .......... au CHILI.




Analyse sur la préparation de ce voyage :

PETRUSHKA :


Le bateau idéal pour cette traversée au près serré, pas rapide mais stable, étroit avec sa quille longue il ne cogne pas dans la mer formée. Inconvénient : en permanence très gîté, lisse et pont souvent dans l’eau, beaucoup d’inconfort à l’intérieur.
Voiles : vaste garde robe, principalement navigué avec le génois sur enrouleur, le solent ou trinquette sur emmagasineur, la suédoise sur deuxième rail de mât et l artimon. Gand voile ferlée sur la bôme, toujours à poste sur le premier rail de mât pour l’utiliser par petit temps (<> 8 Be) je ne gardais que le génois réduit de 4 à 8 tours de rouleau la suédoise et l’artimon avec un ris, bordé bien dans l’axe du vent. A la gîte, un danger permanent, la hauteur du point d écoute du génois par rapport à la hauteur de vagues brisants sur la proue. Connu aucun problème sinon l’usure des écoutes, drosse enrouleur, chute et bordure du génois usés.
Accastillage : un axe de poulie rail d’écoute plié (un en réserve à bord) inspection journalière de tous le matos extérieur et monté une fois au mât pour vérifier ragage des drisses sur les réas ainsi que les fixations haubans, bastagues etc.....
Moteur : purge tous les 3 jours du pré-filtre, mazout Galapagos était polué. Vérification courroie alternateur et tous les jours le presse étoupe, le fonctionnement et la crépine de la pompe bilge.
Déssalinisateur : très efficace, deux démontage à cause de fonctionnement à la gîte avec pour conséquence aspiration d’air dans les membranes.
Energie : les mauvaises conditions météo, ont fait travailler le pilote hydraulique énormément avec pour conséquence un équilibre limite de la recharge via les panneaux solaires (220 W) et l’éolienne trop faible. En conséquence, par mauvais temps, l obligation de barrer de longues heures pour permettre la recharge des batteries sans utiliser l’alternateur moteur.
Solution : Eolienne plus performante (10 Ah à 5 nœuds de vent) et un alternateur d’arbre : production 10 Ah 24h/24h (en cours d’installation).
Pendant la croisière, pas de frigo, peu d éclairage intérieur, j’ai privilégié en permanence les équipements de navigation et de transmission radio.
Communication : la BLU c’est indispensable pour garder un contact radio à longue distance et
l abonnement SAILMAIL est super. On garde un contact avec la terre via Email radio et infos météo sur zone, cartes et grip météo. Améliorer l installation par la pose de ferrites et tresse de masse.

AVITAILLEMENT (à bord un stock de vivres pour 4 mois):
Rien n’a manqué à bord sinon le poisson frais. Menus variés, pâtes, riz,pommes de terre, couscous, légumes frais (pommes de terre, tomates, carottes, courgettes, citrons verts etc..) pendant plus de 20 jours, les pains frais coupés, séchés au four sous formes de biscottes, ont tenu jusqu'à l’arrivée. Les 8 douzaines d’œufs (ébouillantés 5 secondes) impeccables. Seuls les fruits ont muris trop vite, t° et humidité du Pôt au Noir. Tous les deux jours j’ai contrôlé les vivres frais stockés dans deux paniers à linge, au noir dans la cabine arrière, j’utilisais immédiatement les plus mûrs.

Je n’ai fait que deux fois du pain frais, manque de temps à cause météo, faire un pain prend 3 à 4hrs. Les conserves excellentes surtout les Hak, jambon en boîte danois et les 12 bocaux de poulets et bœuf que j’ai préparé aux Galapagos. Stérilisés dans la cocotte minute. Deux journées de travail. Mais super. Cuisiner m’a relaxé tout au long de la traversée, dès le matin je pensais aux différents repas pour les 24h, une bonne alimentation m’a permis de refaire mes forces et à mon passager de survivre. Beaucoup de céréales différentes avec du yaourt en mini-cubi tout au long de la journée et la nuit fruits confits, dattes, abricots, pruneaux etc....dès qu’un petit creux se faisait sentir. J’avoue que par moments, cuisiner était limite, la gazinière avec plus de 30° de gite, les deux mains, les dents, les genoux, les jambes tout est au travail pour cuisiner.
Boissons : par jour, trois à quatre litres d’eau du désal ou minérale + beaucoup de jus de fruit, thé divers, peu de vin et de bières, trop chères aux Galapagos donc sommes partis avec peu de cave...très vite épuisée.

CONFORT A BORD:
A deux, le peu de M2 d’intérieur de Petrushka ne pose pas de problème, Carlos avait son souk dans la cabine avant. Dur dur par mauvais temps, mais il avait son intimité, loin de la mer et du ciel. Dormant la plupart du temps, il était à l’aise au milieu des coussins et couvertures avec son MP3 dans les oreilles, complètement isolé dans son monde. Pour moi, dans la bannette du carré, toile anti-roulis en permanence, lorsque j’étais couché, par l’ouverture de la descente je percevais de jour comme de nuit les conditions extérieures. Répétiteur d’instruments et télécommande du pilote sous la main je pouvais réagir immédiatement lors des grains violents et imprévisibles. De cette manière tout au long de cette traversée, j ai fait corps avec Petrushka, le bruit différent de la mer sur la carène, un claquement du génois ou le cliquetis d’une poulie me donnait l’alerte, en permanence, nuit et jour, réveillé ou endormi. Mais j’avais aussi les alarmes instruments vent,vitesse et cap réglés au maximum, bien utile lorsqu’on tombe endormi brutalement sans s’en apercevoir.

LE BONHOMME :
Bien préparé par une Transat, une année de navigation dans les Caraibes et ensuite seul jusqu'à Panama, j’avais confiance en mes moyens physiques, mes capacités à maîtriser seul Petrushka dans des conditions difficiles. Je connais ce voilier sur le bout des doigts pour l’avoir construit et avoir installé tous ses équipements. Seule inconnue : l’aspect psychologique d’une navigation longue et difficile. Aucune expérience de Solitaire au dela de quelques jours, raison pour laquelle j’ai embarqué Carlos, après beaucoup de discussions, de mises en garde etc...48h avant de partir j’étais toujours pas convaincu. La pression de ses amis, l’inquiétude de mes amis au mouillage, j’ai accepté. Je ne le regrette pas, il a été un passager, ce fut très pénible pour lui, mais je n’étais pas tout seul, simplement j’ai navigué TOUT SEUL. Sur les 38 jours j’ai toujours gardé confiance et motivation. A deux reprise j’ai eu vraiment peur, mort de fatigue, trempé, j’ai imploré le Ciel d’avoir un peu de répit, car 48h de tempête 8>10 be c’est vraiment flippant, c’est pas humain on devient une bête traquée. J’ai pris conscience de l énormité de mon challenge, toujours facile d'en parler autour d’une table et d’un bon verre après il faut le faire, jamais je n’ai regretté, j’ai appris tous les jours à mettre la barre du courage, de la résistance et de la peur de plus en plus haut. Je suis resté très prudent en permanence pour moi et surtout pour Petrushka. Ce qui est impressionnant, c’est que 24h/24h on est opérationnel, on vit la navigation, réveillé ou pas, on se fait un bon petit plat ou l’on mange n’importe quoi, froid ou pas cuit, on se lave avec un bon seau d’eau de mer et l’on se sent bien mais on peut aussi rester 3 jours dans les même vêtements, avec son ciré « parfumé », à se laver avec des lingettes. Le corps et le mental s’adaptent en permanence, on recule en permanence les frontières de l’acceptable car seule la volonté d’y arriver compte. Aucun problème de santé, perdu environ 6 à 8 kilos, la fatigue provenait essentiellement du manque de sommeil et de certaines périodes de gros stress dans les moments de très mauvais temps.

38 jours de navigation mais j’ai pas ressenti de lassitude, sauf sur les deux derniers jours, je surveillais en permanence mon ETA (heure d’arrivée) , surtout pour ne pas arriver de nuit ou à marée basse.
Les contacts Mail et Blu avec Chouchou et "Azzar" étaient super importants dans ce désert immense. J’ai aussi appris à accepter la présence inutile de Carlos, la patience c’est pas une grande qualité chez moi, mais grâce à lui, je suis désormais prêt à une longue Solitaire ...

1 commentaire:

stephago a dit…

Quel superbe aventure vous deux .
Plus je vous lis et plus je me demande pourquoi tant d'hésitation avant ce grand mais judicieux saut vers l'avenir et l'ouverture aux autres un bel exemple de courage.
Tant de choses qui nous sont inconnues vivent par vous,car dans notre cocon nous ne vivons que pour nos routines sans même penser que la vie est aussi faites de découvertes a enseigner a nos enfants.