Des Galapagos vers Valdivia au Chili - 3ème semaine
Vendredi 23 Mars (16 ème jour)
Position : 24°.22.300 S – 100°17.928 W GPS : 10.672 Cap : 175° Sog : 4.5>5 nœuds
120 miles parcourus = 5 noeuds ( hier grâce au vent arr et houle tjs entre 6>8 nœuds)
Moteur : 8h00 (dont 4h pour batteries pilot très sollicité et BLU)
Mer : matin : belle peu agitée
Wind : ESE 3>4 Be établi
Ciel : bleu avec nuages en formation sur tout l’horizon, la journée va être calme.
Je me lève à 6h00, raz le bol de me retourner dans ma bannette, l’horizon est serein, je renvoie la suédoise, borde au près le génois et le solent, l’artimon à plat, c’est reparti le flirt avec la gîte. En buvant mon café je repense à la décision de cette nuit, contact radio avec Claude, on se rassure, on fait une bonne équipe chez lui c’est très dur, son bateau léger et large cogne durement, aussi il vient vers ma zone pour trouver une mer un peu plus calme et s’épauler, moi vers lui avec l’avantage de faire mieux que du Sud (165° dans les rafales d’ESE-E) dans les 36h on devrait être plus proches. Quel bonheur de s’entendre distinctement, sentir l’émotion dans la voix, cela rassure, fait du bien, même si ça crachote beaucoup et la réception reste faible.
On essaie à 13h30 et comme toujours à 21h30, sauf quand comme hier, je m’écroule de sommeil, n’entends ni la BLU ni le réveil, attention Cris t’es dans le ROUGE, repos à tout prix. Ouf.... les alarmes veillent.
9H00, Carlos se lève...., quel tête de chien battu... moral en chute libre sans parachute.... après une bonne heure on fait le point, combien de jours encore, pourquoi vous changez encore de destination, des reproches..
C’est pas nous, c’est la météo etc.... je m’énerve un peu devant son abattement, faut réagir, un bon moral c’est le meilleur des médicaments, de toute façon il n’y a pas d’autre choix donc il ne sert à rien de se lamenter, OK, pour moi c’est le point Final, je descends me préparer un déjeuner, lui qu’il se démerde...
Une heure plus tard, très gentiment il me demande son déjeuner et s’excuse encore, mais jamais il n’a vécu une telle situation, tous les jours, toutes les heures c’est difficile, jour et nuit, il a peur de la mer si grande, si loin de tout (il l’a vu de jour, heureusement pas de nuit) pas de secours possible , etc .... En somme il a la trouille au point de s’être rongé tout le pouce gauche, et surtout très déçu de ne pas aller à l’Ile de Pâques où c’est certain il aurait quitté le bateau. Je mesure son stress énorme, déjà moi avec un peu de vécu, je me fous par moment la trouille et me pose certaines questions sur mon côté masochiste.
Matinée calme vent ESE/E houle moyenne on avance lentement 3.5>5 n wind 12>18 nœuds mais sur un très bon cap de 170 , du boni pour l’avenir. Je passe mon temps comme depuis le départ à rédiger ce récit, d’heure en heure sauf la nuit ou lors des périodes difficiles où je note alors le vécu quotidien dans mon Log Book . Mon Log Book, je vous en parle : tous les jours, à 09h00, je consigne un point précis, situation du bateau, cap, vitesse, entretien, divers, etc... la journée passée et quelques faits importants sur notre navigation, consommation gazoil, eau, en fait tout ce qui est important pour le bateau et le suivi de notre navigation. Après midi calme, à part deux grains violents, Carlos qui devait surveiller leur approche s’est couché dans le cockpit avec son merdique MP3 dans les oreilles et l’on se prend le grain toute voiles dehors, le pont largement sous l’eau, j’étais furieux car je m’étais octroyé une petite sieste, elle a été très courte.... peux pas lui faire confiance, il nous met en danger Petrushka et moi, y’en a marre, serais mieux SEUL. Ce soir je ne cuisine pas, on mange les restes de spaghettis. Nuit une nouvelle fois pas très tranquille à partir de minuit, succession de grains et je ne peux me recoucher avant 03h30. Suis préoccupé de descendre trop au Sud pour trouver l’Anticyclone, en dessous des 37° Lat Sud , cela risque de devenir très, très dur dans la zone d’influence des Quarantièmes, déjà ici c’est du costaud.
Samedi 24 mars (17 ème jour)
Pos : 25°.48.322 S –100°.24.650 W GPS : 10765 Cap: 63° EST (pour réparation) Sog :2.8 >3.5 nœuds – 93 miles parcourus = 3.87 nœuds Moteur : 4h00
Mer : houle forte – mer agitée Wind : ESE-E 4>5 Be Ciel très sombre avec prévision grains.
Si au réveil j’avais connu le déroulement de la journée, je me serais rendormi...
Je constate que l’axe de poulie rail d’écoute tribord est plié. Je passe sur l’autre amure et pendant 2h je vais, couché sur le pont, extraire l’axe plié et le replacer par un autre (Cris, heureusement que tu gardes et ramasses tout ce qui traîne). Petrushka avance péniblement contre le vent de E-SE sur un cap fou de 67° (destination : Nord Chili- Pérou....). Le bateau tape, se lève, s’abat lourdement dans une gerbe d’écume, rodéo, réparation difficile, boulot terminé je reste encore 2h00 sur ce cap pour bien mesurer la difficulté de rejoindre la côte avec ce vent de SE au cas où si descendu trop Sud pour trouver l’Anticyclone et les vents d’Ouest prévus, sous les 42° Lat Sud on peut oublier le Chili seule porte de sortie serait les Gambiers...
14h00, un grain énorme nous arrive, ciel d’encre noire, j’ai tout roulé sauf suédoise et artimon + un peu de génois pour garder de la vitesse et rester manoeuvrant. L’anémomètre passe de 5 à 7>8 Be en deux minutes, on ne voit plus la mer sous les trombes d’eau, quelle puissance, vent tourbillonnant autour de nous, on est quasi à l’arrêt, sous une rafale plus forte, Petrushka se couche sur la mer, pont tribord et chandeliers dans l’eau, j’essaie d’abattre mais avec si peu de vitesse cela ne répond pas vite, enfin le bateau abat tribord et part en fuite, 30 minutes d’enfer dans un déluge de pluie, d’embruns. Puis brusquement tout se calme, je m’assieds et pousse un long soupir de soulagement, rien de cassé c’est le plus important. Je regarde Carlos, blanc comme un mort, les yeux pleins de larmes, je lui souris, sans un mot, il se lève, se déshabille et va se coucher. Je renvoie le génois avec quelques tours de rouleaux car l’horizon n’est pas net et je reprends le cap 190° au Sud, peux pas faire mieux, sinon on gîte à mort à la limite du virement de bord à cause de la houle
16h00, Carlos remonte, toujours sans un mot ensuite m’appelle, il veut me parler : « Il a très peur, n’as plus confiance car on a changé deux fois d’option en 48h, pense que l’on ne sait pas ce que l’on doit faire, de plus il y a des problèmes mécaniques, le désal déjà deux fois en panne et ce matin la poulie, il demande d’aller à l’Ile de Pâques toute proche (5 jours), il ne pourra pas encore tenir 25 jours, il ne dort plus, se sent faible, il a mal à son bras, peut pas bien le soigner car peut pas se laver tous les jours, on ne va pas arriver comme prévu le 15 avril, il en a marre de tout, de la mer, du bateau, de moi ... etc... La crise totale.
Je le laisse parler, ensuite je lui réponds que sur la mer on fait avec les conditions qui se présentent, que les infos météo sont pas toujours précises, que Claude et moi on se concertent pour trouver la meilleure option c’est pas facile, mais qu’ il n est pas question d’aller à l’Ile de Pâques, un détour de 1500 miles minimum, je lui dis qu’il doit penser à autre chose qu’à sa souffrance, avoir un peu de courage, de volonté etc... mais je parle dans le vide car déjà il est parti se recoucher, comme un chien battu, un gosse....sinon pire.... ce sera pas facile le reste du voyage.
Les conditions se dégradent vite, une tempête s’annonce car il n y a plus un poil de ciel clair tout est noir, effrayant, je prépare tout en conséquence, rentre le solent, réduis le génois. Reste à attendre le spectacle.
17h00 début des hostilités, elles dureront toute la nuit, gale 7>8 Be, rafales à 39 nœuds, on a de la vitesse et on est bien manoeuvrant, je suis à la barre en permanence, bien attaché deux Life Line, je réponds aux rafales, escalade les déferlantes, abats, relance, Sog entre 6>7 nœuds, crevant mais rassurant car dans l’action, dehors, on contrôle même si la nuit on ne voit pas grand chose, mais on sent venir l’air humide des grains et on est préparé, on ne subit plus on agit. Un bouteille de jus d’orange, d’eau pétillante, faute de pâtes de fruit alors je bois du Ross Vicee multi-vitamines, je mange de la confiture à la cuillère avec un bout de pain pendant les courts moments d’accalmie où le pilote reprend du service, je dois me changer plusieurs fois malgré le ciré Musto, faudra penser à acheter un nouveau modèle plus étanche.
A 04h00, après un sérieux grain, j’affale l’artimon dans des conditions difficiles, je glisse, tombe sur le dos les jambes sous le balcon, plaqué sur le panneau du moteur hors bord, , attaché certes mais cela a été si vite, faut continuer à faire gaffe, car je suis seul à bord...... Enfin je branche le pilote cela se calme je suis crevé comme jamais. La mer est forte, aussi je sommeille dans mon ciré entre 05h00 et 07h00 au pied de la descente, assis sur les coussins, prêt à intervenir sur le pilote.
C’est Dimanche matin, au retour de la Disco Pacifico....... Après une Nuit d’Enfer...
Jeudi 22 Mars (15 ème jour)
Positon : 23°.04.105 S – 9°.01.554 W GPS : 10551 Cap : 232° Sog : 5.5>8 noeuds
109 miles parcourus = 4.54 noeuds moteur : 3h00 recharge batteries (pilote très sollicité)
Mer : très forte houle 4>6 m avec grosses déferlantes heureusement +- sur le cap à suivre
Wind : SE établi entre 4>6 Be toute la journée
Ciel : couvert gris chargé de grains « Ciel Mer du Nord » s’éclaircissant dans l’après midi vers beau
07h00, je sommeille dans ma bannette, Cris faut te lever ça va être l’heure du contact radio, je suis mou comme un « chokotoff bien mâché ». Petrushka se met à contre et direct je bondis, fidèle serviteur, merci mais pas trop souvent. Coup d’œil à l’horizon, Berrrrk beeerrrk, tout gris et noir, cela promet. Premier grain vent 160° arrière. Génois 10 tours de rouleaux, suédoise en place et artimon déporté on file dans les descentes de déferlantes à 8 nœuds, je redresse l’artimon, je barre, quel réveil et dire que mon café était prêt. On ne gîte plus, on roule « ma poule » d’un bord à l’autre et à l’intérieur ça valdingue. Cela incite enfin Carlos à se lever, il passe la tête à la descente « touyou enco la teeempèèètte ». Avant le 2ème grain j’affale et ferle la suédoise, avec elle sur le rouf à la ferler, tjrs côté au vent je suis plus haut mais c’est la Piste aux Etoiles. Petrushka va beaucoup mieux avec seulement le génois et l’artimon, on se couche moins dans les écarts de cap au vent. 10h00, je fais une bonne omelette aux tomates, ail, oignons et bol de compote de pommes, cela retape « le vieil homme et la mer ». Il est temps d’informer mon passager de la nouvelle option vers l’ Ile de Pâques !!!
J’annonce la nouvelle à Carlos, il est heureux aux larmes, me remercie, s’excuse d’être malade et inutile et de me quitter à Pâques mais pour lui c’est trop dur. Je le rassure, je comprends. Presque un soulagement pour moi, dès Panama, je m’étais fait à l’idée d’une solitaire à partir des Galapagos. J’avais pas peur pour la conduite de Petrushka, la distance, le Pacifique, seul le côté psychologique de la solitude m’ inquiétait.
Très belle journée de voile pure, avec le génois seul et l’artimon sur ce cap vent arrière plus la houle avec nous, on fait des pointes à 8 nœuds wind 5>6 be, très forte houle entre 6 et mètres, au souper ce soir, spaghetti et dès 19h30 tout le monde dort. Par vent arrière, c’est un bien meilleur confort et le sommeil est réparateur. 00h00, je le lève pour changer piles des deux lampes flash qui signalent sur mer Petrushka et me recouche en attendant l’heure pour contact SailMail.
02h00, contact difficile, il me faudra 1h10 pour emmagasiner les fichiers météo, messages de Chouchou et un long message de Claude.
Claude m’annonce pas de bonnes nouvelles: il a reçu des infos précises sur la position de l’anticyclone, cette année encore très bas sous le 40° avec des vents d’Ouest très fort, fortement déconseillé d’aller s’y frotter.
L’option Ile de Paques ne tient plus sauf si l’on se rend aux Gambiers, ce qu’il envisage peut être de faire si les conditions empirent encore sur notre zone. Il propose de continuer à faire du Sud avec un maximum de cap 180° jusqu'à la Lat 38°/40° Sud , là de virer de bord vers le Chili avec toujours les vents de SE, la distance restante égale +- 2000 miles de notre position actuelle. Donc +/- trois semaines durant lesquelles l’anticyclone daignera peut- être monter vers le Nord. Il attend ma réponse immédiatement. Il a également avec son Irridium consulté le frère de Normande médecin, concernant Carlos, un diagnostic rassurant de plus on a lui et moi les bons antibiotiques à bord. Il fait néanmoins une route pour se rapprocher de moi et me demande de faire de même en appuyant s’il le faut au moteur. Pour moi faire du moteur c’est impossible, peu de réserves de carburant, par contre je peux encore serrer plus le vent mais adieu le peu de confort, la vie à bord va être encore plus pénible à cause de la gîte maximum sur tribord.
J’étudie la situation, la carte, le facteur Carlos... à Pâques c’est certain il me quitte, je resterai seul pour affronter 2000 milles avec des conditions météo difficiles, très près des quarantièmes...même si depuis le départ je fais tout tout seul à bord, plus m’occuper de mon passager, mais la pression psychologique serait énorme, quelle responsabilité vis-à-vis de mes proches, leur inquiétude, je ne suis pas préparé à une telle épreuve, même si une fois parti, je suis certain, j’assumerais, mais peut être aussi je regretterais cette décision, le vécu des deux dernières semaines difficiles: une bonne leçon d’humilité......
Claude ne tient pas à ce que je vive Seul cette situation dangereuse, son mail est formidable de précisions, d’analyse du cas Carlos, est-ce comédie pour quitter rapidement le bateau (non je l’ai vu souffrir, je pense à ce que l’on vit actuellement ...donc en s’aidant par contacts radio et e-mail, ce sera plus facile d’atteindre le but). Maintenant il faut annoncer la nouvelle à mon passager qui dort paisiblement dans sa cabine.
Je réveille Carlos, lui fais lire le mail de Claude, lui explique la situation, il n’y a pas de danger pour sa santé, il lui faut du courage pour encore trois semaines.... Il me demande mon avis : on repart cap au Sud ; l’option initiale, il ne dit rien et va se recoucher. Une heure durant je vais batailler avec l’ordi et SailMail pour faire passer à Claude ma réponse. Je mets Petrushka sur le nouveau cap avec seulement le genois mais au près il ne va pas très vite demain on renvoie solent et suédoise, toute la toile faut avancer vers le Sud-Est.
04h00 je me recouche mais je peux pas trouver le sommeil, je crains que Claude ne file aux Gambiers, solution la plus confortable pour lui avec cette météo et mauvaise mer. Je suis sûr qu’il ne prendrait cette option qu’a l’extrême limite, c’est un battant, mais comme il me dit « par moment on a peur de casser son bateau ». Pour moi tout est différent, je dois absolument rallier Valdivia pour y laisser Petrushka et réaliser nos projets futurs avec Chouchou, impossible de trouver le sommeil, dans ma tête c’est le souk, suis heureux de faire ce voyage mais... c’est vraiment difficile... dur... n’ai-je pas présumé de mes forces, de mes compétences, jusqu'à présent, deux ans presque, aucun pépin majeur, pour moi et Petrushka... avec du recul, ce n’était pas très difficile, car à chaque situation nouvelle et inconnue j’avais trouvé une solution, j’avais beaucoup appris, confiant on se lance dans le PACIFIQUE ....vers le Grand Sud, contre les vents dominants, contre les courants, l’océan immense, c’est énorme, géant, ici il faut connaître ou alors ça fait mal et très peur, on souffre en permanence « On s’est trompé de Nom pour cet Océan » mais il est Sublime.....
Lisse dans l’eau, Petrushka avale les miles vers le Sud .......
Positon : 23°.04.105 S – 9°.01.554 W GPS : 10551 Cap : 232° Sog : 5.5>8 noeuds
109 miles parcourus = 4.54 noeuds moteur : 3h00 recharge batteries (pilote très sollicité)
Mer : très forte houle 4>6 m avec grosses déferlantes heureusement +- sur le cap à suivre
Wind : SE établi entre 4>6 Be toute la journée
Ciel : couvert gris chargé de grains « Ciel Mer du Nord » s’éclaircissant dans l’après midi vers beau
07h00, je sommeille dans ma bannette, Cris faut te lever ça va être l’heure du contact radio, je suis mou comme un « chokotoff bien mâché ». Petrushka se met à contre et direct je bondis, fidèle serviteur, merci mais pas trop souvent. Coup d’œil à l’horizon, Berrrrk beeerrrk, tout gris et noir, cela promet. Premier grain vent 160° arrière. Génois 10 tours de rouleaux, suédoise en place et artimon déporté on file dans les descentes de déferlantes à 8 nœuds, je redresse l’artimon, je barre, quel réveil et dire que mon café était prêt. On ne gîte plus, on roule « ma poule » d’un bord à l’autre et à l’intérieur ça valdingue. Cela incite enfin Carlos à se lever, il passe la tête à la descente « touyou enco la teeempèèètte ». Avant le 2ème grain j’affale et ferle la suédoise, avec elle sur le rouf à la ferler, tjrs côté au vent je suis plus haut mais c’est la Piste aux Etoiles. Petrushka va beaucoup mieux avec seulement le génois et l’artimon, on se couche moins dans les écarts de cap au vent. 10h00, je fais une bonne omelette aux tomates, ail, oignons et bol de compote de pommes, cela retape « le vieil homme et la mer ». Il est temps d’informer mon passager de la nouvelle option vers l’ Ile de Pâques !!!
J’annonce la nouvelle à Carlos, il est heureux aux larmes, me remercie, s’excuse d’être malade et inutile et de me quitter à Pâques mais pour lui c’est trop dur. Je le rassure, je comprends. Presque un soulagement pour moi, dès Panama, je m’étais fait à l’idée d’une solitaire à partir des Galapagos. J’avais pas peur pour la conduite de Petrushka, la distance, le Pacifique, seul le côté psychologique de la solitude m’ inquiétait.
Très belle journée de voile pure, avec le génois seul et l’artimon sur ce cap vent arrière plus la houle avec nous, on fait des pointes à 8 nœuds wind 5>6 be, très forte houle entre 6 et mètres, au souper ce soir, spaghetti et dès 19h30 tout le monde dort. Par vent arrière, c’est un bien meilleur confort et le sommeil est réparateur. 00h00, je le lève pour changer piles des deux lampes flash qui signalent sur mer Petrushka et me recouche en attendant l’heure pour contact SailMail.
02h00, contact difficile, il me faudra 1h10 pour emmagasiner les fichiers météo, messages de Chouchou et un long message de Claude.
Claude m’annonce pas de bonnes nouvelles: il a reçu des infos précises sur la position de l’anticyclone, cette année encore très bas sous le 40° avec des vents d’Ouest très fort, fortement déconseillé d’aller s’y frotter.
L’option Ile de Paques ne tient plus sauf si l’on se rend aux Gambiers, ce qu’il envisage peut être de faire si les conditions empirent encore sur notre zone. Il propose de continuer à faire du Sud avec un maximum de cap 180° jusqu'à la Lat 38°/40° Sud , là de virer de bord vers le Chili avec toujours les vents de SE, la distance restante égale +- 2000 miles de notre position actuelle. Donc +/- trois semaines durant lesquelles l’anticyclone daignera peut- être monter vers le Nord. Il attend ma réponse immédiatement. Il a également avec son Irridium consulté le frère de Normande médecin, concernant Carlos, un diagnostic rassurant de plus on a lui et moi les bons antibiotiques à bord. Il fait néanmoins une route pour se rapprocher de moi et me demande de faire de même en appuyant s’il le faut au moteur. Pour moi faire du moteur c’est impossible, peu de réserves de carburant, par contre je peux encore serrer plus le vent mais adieu le peu de confort, la vie à bord va être encore plus pénible à cause de la gîte maximum sur tribord.
J’étudie la situation, la carte, le facteur Carlos... à Pâques c’est certain il me quitte, je resterai seul pour affronter 2000 milles avec des conditions météo difficiles, très près des quarantièmes...même si depuis le départ je fais tout tout seul à bord, plus m’occuper de mon passager, mais la pression psychologique serait énorme, quelle responsabilité vis-à-vis de mes proches, leur inquiétude, je ne suis pas préparé à une telle épreuve, même si une fois parti, je suis certain, j’assumerais, mais peut être aussi je regretterais cette décision, le vécu des deux dernières semaines difficiles: une bonne leçon d’humilité......
Claude ne tient pas à ce que je vive Seul cette situation dangereuse, son mail est formidable de précisions, d’analyse du cas Carlos, est-ce comédie pour quitter rapidement le bateau (non je l’ai vu souffrir, je pense à ce que l’on vit actuellement ...donc en s’aidant par contacts radio et e-mail, ce sera plus facile d’atteindre le but). Maintenant il faut annoncer la nouvelle à mon passager qui dort paisiblement dans sa cabine.
Je réveille Carlos, lui fais lire le mail de Claude, lui explique la situation, il n’y a pas de danger pour sa santé, il lui faut du courage pour encore trois semaines.... Il me demande mon avis : on repart cap au Sud ; l’option initiale, il ne dit rien et va se recoucher. Une heure durant je vais batailler avec l’ordi et SailMail pour faire passer à Claude ma réponse. Je mets Petrushka sur le nouveau cap avec seulement le genois mais au près il ne va pas très vite demain on renvoie solent et suédoise, toute la toile faut avancer vers le Sud-Est.
04h00 je me recouche mais je peux pas trouver le sommeil, je crains que Claude ne file aux Gambiers, solution la plus confortable pour lui avec cette météo et mauvaise mer. Je suis sûr qu’il ne prendrait cette option qu’a l’extrême limite, c’est un battant, mais comme il me dit « par moment on a peur de casser son bateau ». Pour moi tout est différent, je dois absolument rallier Valdivia pour y laisser Petrushka et réaliser nos projets futurs avec Chouchou, impossible de trouver le sommeil, dans ma tête c’est le souk, suis heureux de faire ce voyage mais... c’est vraiment difficile... dur... n’ai-je pas présumé de mes forces, de mes compétences, jusqu'à présent, deux ans presque, aucun pépin majeur, pour moi et Petrushka... avec du recul, ce n’était pas très difficile, car à chaque situation nouvelle et inconnue j’avais trouvé une solution, j’avais beaucoup appris, confiant on se lance dans le PACIFIQUE ....vers le Grand Sud, contre les vents dominants, contre les courants, l’océan immense, c’est énorme, géant, ici il faut connaître ou alors ça fait mal et très peur, on souffre en permanence « On s’est trompé de Nom pour cet Océan » mais il est Sublime.....
Lisse dans l’eau, Petrushka avale les miles vers le Sud .......
Vendredi 23 Mars (16 ème jour)
Position : 24°.22.300 S – 100°17.928 W GPS : 10.672 Cap : 175° Sog : 4.5>5 nœuds
120 miles parcourus = 5 noeuds ( hier grâce au vent arr et houle tjs entre 6>8 nœuds)
Moteur : 8h00 (dont 4h pour batteries pilot très sollicité et BLU)
Mer : matin : belle peu agitée
Wind : ESE 3>4 Be établi
Ciel : bleu avec nuages en formation sur tout l’horizon, la journée va être calme.
Je me lève à 6h00, raz le bol de me retourner dans ma bannette, l’horizon est serein, je renvoie la suédoise, borde au près le génois et le solent, l’artimon à plat, c’est reparti le flirt avec la gîte. En buvant mon café je repense à la décision de cette nuit, contact radio avec Claude, on se rassure, on fait une bonne équipe chez lui c’est très dur, son bateau léger et large cogne durement, aussi il vient vers ma zone pour trouver une mer un peu plus calme et s’épauler, moi vers lui avec l’avantage de faire mieux que du Sud (165° dans les rafales d’ESE-E) dans les 36h on devrait être plus proches. Quel bonheur de s’entendre distinctement, sentir l’émotion dans la voix, cela rassure, fait du bien, même si ça crachote beaucoup et la réception reste faible.
On essaie à 13h30 et comme toujours à 21h30, sauf quand comme hier, je m’écroule de sommeil, n’entends ni la BLU ni le réveil, attention Cris t’es dans le ROUGE, repos à tout prix. Ouf.... les alarmes veillent.
9H00, Carlos se lève...., quel tête de chien battu... moral en chute libre sans parachute.... après une bonne heure on fait le point, combien de jours encore, pourquoi vous changez encore de destination, des reproches..
C’est pas nous, c’est la météo etc.... je m’énerve un peu devant son abattement, faut réagir, un bon moral c’est le meilleur des médicaments, de toute façon il n’y a pas d’autre choix donc il ne sert à rien de se lamenter, OK, pour moi c’est le point Final, je descends me préparer un déjeuner, lui qu’il se démerde...
Une heure plus tard, très gentiment il me demande son déjeuner et s’excuse encore, mais jamais il n’a vécu une telle situation, tous les jours, toutes les heures c’est difficile, jour et nuit, il a peur de la mer si grande, si loin de tout (il l’a vu de jour, heureusement pas de nuit) pas de secours possible , etc .... En somme il a la trouille au point de s’être rongé tout le pouce gauche, et surtout très déçu de ne pas aller à l’Ile de Pâques où c’est certain il aurait quitté le bateau. Je mesure son stress énorme, déjà moi avec un peu de vécu, je me fous par moment la trouille et me pose certaines questions sur mon côté masochiste.
Matinée calme vent ESE/E houle moyenne on avance lentement 3.5>5 n wind 12>18 nœuds mais sur un très bon cap de 170 , du boni pour l’avenir. Je passe mon temps comme depuis le départ à rédiger ce récit, d’heure en heure sauf la nuit ou lors des périodes difficiles où je note alors le vécu quotidien dans mon Log Book . Mon Log Book, je vous en parle : tous les jours, à 09h00, je consigne un point précis, situation du bateau, cap, vitesse, entretien, divers, etc... la journée passée et quelques faits importants sur notre navigation, consommation gazoil, eau, en fait tout ce qui est important pour le bateau et le suivi de notre navigation. Après midi calme, à part deux grains violents, Carlos qui devait surveiller leur approche s’est couché dans le cockpit avec son merdique MP3 dans les oreilles et l’on se prend le grain toute voiles dehors, le pont largement sous l’eau, j’étais furieux car je m’étais octroyé une petite sieste, elle a été très courte.... peux pas lui faire confiance, il nous met en danger Petrushka et moi, y’en a marre, serais mieux SEUL. Ce soir je ne cuisine pas, on mange les restes de spaghettis. Nuit une nouvelle fois pas très tranquille à partir de minuit, succession de grains et je ne peux me recoucher avant 03h30. Suis préoccupé de descendre trop au Sud pour trouver l’Anticyclone, en dessous des 37° Lat Sud , cela risque de devenir très, très dur dans la zone d’influence des Quarantièmes, déjà ici c’est du costaud.
Samedi 24 mars (17 ème jour)
Pos : 25°.48.322 S –100°.24.650 W GPS : 10765 Cap: 63° EST (pour réparation) Sog :2.8 >3.5 nœuds – 93 miles parcourus = 3.87 nœuds Moteur : 4h00
Mer : houle forte – mer agitée Wind : ESE-E 4>5 Be Ciel très sombre avec prévision grains.
Si au réveil j’avais connu le déroulement de la journée, je me serais rendormi...
Je constate que l’axe de poulie rail d’écoute tribord est plié. Je passe sur l’autre amure et pendant 2h je vais, couché sur le pont, extraire l’axe plié et le replacer par un autre (Cris, heureusement que tu gardes et ramasses tout ce qui traîne). Petrushka avance péniblement contre le vent de E-SE sur un cap fou de 67° (destination : Nord Chili- Pérou....). Le bateau tape, se lève, s’abat lourdement dans une gerbe d’écume, rodéo, réparation difficile, boulot terminé je reste encore 2h00 sur ce cap pour bien mesurer la difficulté de rejoindre la côte avec ce vent de SE au cas où si descendu trop Sud pour trouver l’Anticyclone et les vents d’Ouest prévus, sous les 42° Lat Sud on peut oublier le Chili seule porte de sortie serait les Gambiers...
14h00, un grain énorme nous arrive, ciel d’encre noire, j’ai tout roulé sauf suédoise et artimon + un peu de génois pour garder de la vitesse et rester manoeuvrant. L’anémomètre passe de 5 à 7>8 Be en deux minutes, on ne voit plus la mer sous les trombes d’eau, quelle puissance, vent tourbillonnant autour de nous, on est quasi à l’arrêt, sous une rafale plus forte, Petrushka se couche sur la mer, pont tribord et chandeliers dans l’eau, j’essaie d’abattre mais avec si peu de vitesse cela ne répond pas vite, enfin le bateau abat tribord et part en fuite, 30 minutes d’enfer dans un déluge de pluie, d’embruns. Puis brusquement tout se calme, je m’assieds et pousse un long soupir de soulagement, rien de cassé c’est le plus important. Je regarde Carlos, blanc comme un mort, les yeux pleins de larmes, je lui souris, sans un mot, il se lève, se déshabille et va se coucher. Je renvoie le génois avec quelques tours de rouleaux car l’horizon n’est pas net et je reprends le cap 190° au Sud, peux pas faire mieux, sinon on gîte à mort à la limite du virement de bord à cause de la houle
16h00, Carlos remonte, toujours sans un mot ensuite m’appelle, il veut me parler : « Il a très peur, n’as plus confiance car on a changé deux fois d’option en 48h, pense que l’on ne sait pas ce que l’on doit faire, de plus il y a des problèmes mécaniques, le désal déjà deux fois en panne et ce matin la poulie, il demande d’aller à l’Ile de Pâques toute proche (5 jours), il ne pourra pas encore tenir 25 jours, il ne dort plus, se sent faible, il a mal à son bras, peut pas bien le soigner car peut pas se laver tous les jours, on ne va pas arriver comme prévu le 15 avril, il en a marre de tout, de la mer, du bateau, de moi ... etc... La crise totale.
Je le laisse parler, ensuite je lui réponds que sur la mer on fait avec les conditions qui se présentent, que les infos météo sont pas toujours précises, que Claude et moi on se concertent pour trouver la meilleure option c’est pas facile, mais qu’ il n est pas question d’aller à l’Ile de Pâques, un détour de 1500 miles minimum, je lui dis qu’il doit penser à autre chose qu’à sa souffrance, avoir un peu de courage, de volonté etc... mais je parle dans le vide car déjà il est parti se recoucher, comme un chien battu, un gosse....sinon pire.... ce sera pas facile le reste du voyage.
Les conditions se dégradent vite, une tempête s’annonce car il n y a plus un poil de ciel clair tout est noir, effrayant, je prépare tout en conséquence, rentre le solent, réduis le génois. Reste à attendre le spectacle.
17h00 début des hostilités, elles dureront toute la nuit, gale 7>8 Be, rafales à 39 nœuds, on a de la vitesse et on est bien manoeuvrant, je suis à la barre en permanence, bien attaché deux Life Line, je réponds aux rafales, escalade les déferlantes, abats, relance, Sog entre 6>7 nœuds, crevant mais rassurant car dans l’action, dehors, on contrôle même si la nuit on ne voit pas grand chose, mais on sent venir l’air humide des grains et on est préparé, on ne subit plus on agit. Un bouteille de jus d’orange, d’eau pétillante, faute de pâtes de fruit alors je bois du Ross Vicee multi-vitamines, je mange de la confiture à la cuillère avec un bout de pain pendant les courts moments d’accalmie où le pilote reprend du service, je dois me changer plusieurs fois malgré le ciré Musto, faudra penser à acheter un nouveau modèle plus étanche.
A 04h00, après un sérieux grain, j’affale l’artimon dans des conditions difficiles, je glisse, tombe sur le dos les jambes sous le balcon, plaqué sur le panneau du moteur hors bord, , attaché certes mais cela a été si vite, faut continuer à faire gaffe, car je suis seul à bord...... Enfin je branche le pilote cela se calme je suis crevé comme jamais. La mer est forte, aussi je sommeille dans mon ciré entre 05h00 et 07h00 au pied de la descente, assis sur les coussins, prêt à intervenir sur le pilote.
C’est Dimanche matin, au retour de la Disco Pacifico....... Après une Nuit d’Enfer...
Dimanche 25 mars (18ème jour)
Position : 26°.30.823 S – 100°.43.911 W GPS : 10448 Cap : 222° Sog: 3>4 noeuds
83 miles parcourus = 3;45 noeuds Moteur: 3h00 (recharge batteries)
Wind: EST 6/7 Be rafales à 28/30 noeuds
Ciel : Très nuageux avec grains noirs – petits morceaux de ciel bleu
Mer : Trèes forte houle 6 à 8m avec déferlantes à 30° sur bâbord.
La clarté du jour dévoile le champ de bataille, mer énorme, baveuse, pas repue, vent toujours entre 6>7 Be moins de rafales car les grains ne se sont pas encore formés. Souk à l’intérieur, un tas de vêtements mouillés au pied de la descente, quelques livres et cassettes au sol, tout est humide, poisseux, un ptit bordel...
Vite un café, un grand bol de céréales avec compote de rhubarbe. Pas vu Carlos de toute la nuit sauf le halot de sa lampe frontale, mais certain qu’à l’avant il n’a pas été à la fête. Enfin 08h00, il pointe son nez, à peine un regard, marmonne à mon bonjour, il fait vraiment la gueule, pas un mot, il a perdu l’usage de la parole, regagne sa couchette, ressort, regagne sa couchette, OK tant pis pour lui . En retour je lui sers de la bouffe de caserne : boîte de conserve chauffée dans la casserole à pression et direct dans l’assiette, fini les petits plats accommodés, pour moi c’est la conduite du bateau qui importe, le reste c’est du détail, j’arrive à bien me nourrir, je raffole des compotes, pommes et rhubarbe et même le choux rouge froid. Je barre beaucoup, cela me décontracte et entre deux grains je vais me coucher 20 minutes dans ma bannette, je m’endors instantanément. Plusieurs fois c’est l’alarme du pilote ou les accélération du bateau qui me réveillent. Pas un instant de répit, pendant les sursis faut prévoir à se nourrir, se laver avec la bouteille d’eau de Cologne, rincer la toilette, vite le peu de vaisselle, préparer le nécessaire pour la nuit suivante, inspection de Petrushka, à nouveau il a été formidable avec beaucoup de vent, quelle puissance dans l’étrave, il ne perd quasi pas de vitesse, mais les chocs sont rudes et le gréement gémit, c’est fou comment dans ces moments difficiles on ne pense plus beaucoup à soi mais surtout au bateau, rien que le bateau , on a mal pour lui, peur de casser et on essaie de le ménager en restant à la barre le plus longtemps possible, on oublie sa propre souffrance, tout pour le bateau, souffrir avec lui, à deux on va s en sortir .....
Toute la journée une succession de grains, fatiguant de toujours réduire et ensuite renvoyer du génois mais la technique est rodée, écoute de génois sur winch tribord, drosse d’enrouleur sur winch bâbord, pilote sur réponse 6, j’abats en grand, lâche de l’écoute de génois, j’enroule sur bâbord la drosse d’enrouleur génois, reborde l’écoute de génois et remets au cap sous pilote réponse 1 ou 2. Moins de deux minutes quelles que soient les conditions, nuit comme jour, ensuite ranger les bouts au fond du cockpit et c’est reparti.
17h00 tiens voila mon passager clandestin, il doit avoir faim, en fait c’est sa première parole de la journée « Quand y’on va manger ? » Tout en barrant, je réponds « plus tard quand j’aurai préparé » Repas idem que la veille, boîte réchauffée vapeur, pas mauvais mais c’est pas le pied ça manque de préparation, mais ainsi j’ai pas de vaisselle. Il va se recoucher sans autres paroles, c est moche, il me fait chier, « pardon ».
Comme de coutume vers 19h00, retour des grains, courts mais certains violents >37 nœuds et cela jusqu'à 23h00, je barre beaucoup mais ça tape dur et trop de gîte, je suis crevé mort, plus tout à fait lucide à cause de la fatigue, ok je réduis au maximum, on avance à 4.8 nœuds et sous les grains le pilote sur 2 contrôle bien la situation je vais me coucher tout habillé, buzzer-alarmes pour vent et vitesse branchés au maximum. Je vais dormir durant deux heures sans quasi rien percevoir sinon que le bateau glisse, accélère, tape, ralentit et ainsi jusqu’au matin de 2h en 2h je prends du repos, un vrai délice. A chaque réveil, je sors et contrôle le cap, le réglage des voiles, les écoutes, etc.... et hop redodo. J’en ai vraiment besoin.
Pas de Commentaires sur les conditions de Mer et Vent......>6/8 Be
Lundi 26 Mars (19 ème jour)
Position : 27°.41.547 S – 101°.44.742 W Gps : 10939 Cap : 200° Sog : 4.5>5 nœuds
91 miles parcourus = 3.79 noeuds Moteur: 3h00 (recharge batteries)
Wind : EST 4>5.5 Be 16>23 noeuds toujours beaucoup de grains autour de nous.
Mer : Houle forte moins de déferlantes mais vagues croisées progression difficile.
Ciel : Couvert gris/noir avec éclaircies
Je me réveille à 06h00, reposé, heureux, vite dehors pour rassurer Petrushka que je suis toujours à ses côtés. Le ciel, mais quel bordel, svp changez de couleur toujours ce gris noir. Le vent a molli mais la mer est toujours forte avec ces putains de déferlantes sur le sommet, quelle poisse. Me fais une omelette et prends la barre dès 09h00 jusqu'à 17h00, entrecoupé de poses miam miam, pipi, courtes périodes sous pilote pour me décontracter le dos et la nuque, je donne un maximum... pour avancer le plus Sud possible, faut se battre.
Carlos sort un peu plus de sa cabine-souk, tiens une parole : « yo suis tres faible mal patout... »
C’est une journée de transition, avec Claude on échange info météo, lui m’en donne plus que moi qui bataille toujours avec mes problèmes informatiques, une fois ça marche une autre c’est zéro !!!!
Le ciel s’éclaircit peu à peu, mais toujours quelques grains blancs c'est-à-dire secs mais tout aussi rudes que les noirs, ils sont pas racistes. Le grip signale une perturbation sur notre SE pour les prochaines heures, certain que sur notre zone cela va souffler une fois de plus. Toute la nuit à nouveau entre 6 et 8 Be, cette fois pas question de rester en permanence à la barre, on est sous voiles réduites et comme la fin de la précédente nuit j‘abats au cap 200° SW et le pilote tient le cap même si très souvent l’alarme de déclenchement me réveille et m’oblige à remettre le bateau sur le bon cap. Cela se produit très souvent après chaque grain, sous la poussée du vent le bateau remonte au vent, loffe et dès que la rafale cesse s’il est au dessus d’une déferlante, il abat brusquement comme sur un axe et le pilote ne peut le récupérer et on part au grand largue alarmes sonnantes. Il faut bondir sur la télécommande pour récupérer la situation.
Je dors avec mes lunettes, une lampe frontale, une deuxième lampe de poche dans la main gauche, couché je peux éclairer la télécommande sur le panneau en face de moi, ainsi je peux agir rapidement avant de monter dans le cockpit. Chouchou va être surprise quand dans son lit elle me trouvera tout nu avec lunettes et lampe de poche.... Cela fait maintenant trois jours que l’on subit de très mauvaises conditions, principalement les nuits donc pas de récupération possible , le corps et la tête souffrent, c’est vraiment dur, très dur... physiquement et nerveusement et dire que l’on est encore bien loin des 40°, quoi penser ..... mieux vaut pas trop réfléchir à l’avenir, le présent c’est déjà assez... cela me dépasse « Cette Mer est Merveilleuse et Enorme ».
Suis Heureux en Mer, mais parfois je me pose des questions......... ?
Position : 26°.30.823 S – 100°.43.911 W GPS : 10448 Cap : 222° Sog: 3>4 noeuds
83 miles parcourus = 3;45 noeuds Moteur: 3h00 (recharge batteries)
Wind: EST 6/7 Be rafales à 28/30 noeuds
Ciel : Très nuageux avec grains noirs – petits morceaux de ciel bleu
Mer : Trèes forte houle 6 à 8m avec déferlantes à 30° sur bâbord.
La clarté du jour dévoile le champ de bataille, mer énorme, baveuse, pas repue, vent toujours entre 6>7 Be moins de rafales car les grains ne se sont pas encore formés. Souk à l’intérieur, un tas de vêtements mouillés au pied de la descente, quelques livres et cassettes au sol, tout est humide, poisseux, un ptit bordel...
Vite un café, un grand bol de céréales avec compote de rhubarbe. Pas vu Carlos de toute la nuit sauf le halot de sa lampe frontale, mais certain qu’à l’avant il n’a pas été à la fête. Enfin 08h00, il pointe son nez, à peine un regard, marmonne à mon bonjour, il fait vraiment la gueule, pas un mot, il a perdu l’usage de la parole, regagne sa couchette, ressort, regagne sa couchette, OK tant pis pour lui . En retour je lui sers de la bouffe de caserne : boîte de conserve chauffée dans la casserole à pression et direct dans l’assiette, fini les petits plats accommodés, pour moi c’est la conduite du bateau qui importe, le reste c’est du détail, j’arrive à bien me nourrir, je raffole des compotes, pommes et rhubarbe et même le choux rouge froid. Je barre beaucoup, cela me décontracte et entre deux grains je vais me coucher 20 minutes dans ma bannette, je m’endors instantanément. Plusieurs fois c’est l’alarme du pilote ou les accélération du bateau qui me réveillent. Pas un instant de répit, pendant les sursis faut prévoir à se nourrir, se laver avec la bouteille d’eau de Cologne, rincer la toilette, vite le peu de vaisselle, préparer le nécessaire pour la nuit suivante, inspection de Petrushka, à nouveau il a été formidable avec beaucoup de vent, quelle puissance dans l’étrave, il ne perd quasi pas de vitesse, mais les chocs sont rudes et le gréement gémit, c’est fou comment dans ces moments difficiles on ne pense plus beaucoup à soi mais surtout au bateau, rien que le bateau , on a mal pour lui, peur de casser et on essaie de le ménager en restant à la barre le plus longtemps possible, on oublie sa propre souffrance, tout pour le bateau, souffrir avec lui, à deux on va s en sortir .....
Toute la journée une succession de grains, fatiguant de toujours réduire et ensuite renvoyer du génois mais la technique est rodée, écoute de génois sur winch tribord, drosse d’enrouleur sur winch bâbord, pilote sur réponse 6, j’abats en grand, lâche de l’écoute de génois, j’enroule sur bâbord la drosse d’enrouleur génois, reborde l’écoute de génois et remets au cap sous pilote réponse 1 ou 2. Moins de deux minutes quelles que soient les conditions, nuit comme jour, ensuite ranger les bouts au fond du cockpit et c’est reparti.
17h00 tiens voila mon passager clandestin, il doit avoir faim, en fait c’est sa première parole de la journée « Quand y’on va manger ? » Tout en barrant, je réponds « plus tard quand j’aurai préparé » Repas idem que la veille, boîte réchauffée vapeur, pas mauvais mais c’est pas le pied ça manque de préparation, mais ainsi j’ai pas de vaisselle. Il va se recoucher sans autres paroles, c est moche, il me fait chier, « pardon ».
Comme de coutume vers 19h00, retour des grains, courts mais certains violents >37 nœuds et cela jusqu'à 23h00, je barre beaucoup mais ça tape dur et trop de gîte, je suis crevé mort, plus tout à fait lucide à cause de la fatigue, ok je réduis au maximum, on avance à 4.8 nœuds et sous les grains le pilote sur 2 contrôle bien la situation je vais me coucher tout habillé, buzzer-alarmes pour vent et vitesse branchés au maximum. Je vais dormir durant deux heures sans quasi rien percevoir sinon que le bateau glisse, accélère, tape, ralentit et ainsi jusqu’au matin de 2h en 2h je prends du repos, un vrai délice. A chaque réveil, je sors et contrôle le cap, le réglage des voiles, les écoutes, etc.... et hop redodo. J’en ai vraiment besoin.
Pas de Commentaires sur les conditions de Mer et Vent......>6/8 Be
Lundi 26 Mars (19 ème jour)
Position : 27°.41.547 S – 101°.44.742 W Gps : 10939 Cap : 200° Sog : 4.5>5 nœuds
91 miles parcourus = 3.79 noeuds Moteur: 3h00 (recharge batteries)
Wind : EST 4>5.5 Be 16>23 noeuds toujours beaucoup de grains autour de nous.
Mer : Houle forte moins de déferlantes mais vagues croisées progression difficile.
Ciel : Couvert gris/noir avec éclaircies
Je me réveille à 06h00, reposé, heureux, vite dehors pour rassurer Petrushka que je suis toujours à ses côtés. Le ciel, mais quel bordel, svp changez de couleur toujours ce gris noir. Le vent a molli mais la mer est toujours forte avec ces putains de déferlantes sur le sommet, quelle poisse. Me fais une omelette et prends la barre dès 09h00 jusqu'à 17h00, entrecoupé de poses miam miam, pipi, courtes périodes sous pilote pour me décontracter le dos et la nuque, je donne un maximum... pour avancer le plus Sud possible, faut se battre.
Carlos sort un peu plus de sa cabine-souk, tiens une parole : « yo suis tres faible mal patout... »
C’est une journée de transition, avec Claude on échange info météo, lui m’en donne plus que moi qui bataille toujours avec mes problèmes informatiques, une fois ça marche une autre c’est zéro !!!!
Le ciel s’éclaircit peu à peu, mais toujours quelques grains blancs c'est-à-dire secs mais tout aussi rudes que les noirs, ils sont pas racistes. Le grip signale une perturbation sur notre SE pour les prochaines heures, certain que sur notre zone cela va souffler une fois de plus. Toute la nuit à nouveau entre 6 et 8 Be, cette fois pas question de rester en permanence à la barre, on est sous voiles réduites et comme la fin de la précédente nuit j‘abats au cap 200° SW et le pilote tient le cap même si très souvent l’alarme de déclenchement me réveille et m’oblige à remettre le bateau sur le bon cap. Cela se produit très souvent après chaque grain, sous la poussée du vent le bateau remonte au vent, loffe et dès que la rafale cesse s’il est au dessus d’une déferlante, il abat brusquement comme sur un axe et le pilote ne peut le récupérer et on part au grand largue alarmes sonnantes. Il faut bondir sur la télécommande pour récupérer la situation.
Je dors avec mes lunettes, une lampe frontale, une deuxième lampe de poche dans la main gauche, couché je peux éclairer la télécommande sur le panneau en face de moi, ainsi je peux agir rapidement avant de monter dans le cockpit. Chouchou va être surprise quand dans son lit elle me trouvera tout nu avec lunettes et lampe de poche.... Cela fait maintenant trois jours que l’on subit de très mauvaises conditions, principalement les nuits donc pas de récupération possible , le corps et la tête souffrent, c’est vraiment dur, très dur... physiquement et nerveusement et dire que l’on est encore bien loin des 40°, quoi penser ..... mieux vaut pas trop réfléchir à l’avenir, le présent c’est déjà assez... cela me dépasse « Cette Mer est Merveilleuse et Enorme ».
Suis Heureux en Mer, mais parfois je me pose des questions......... ?
Mardi 27 Mars (20ème jour)
Position : 29°.03.512 S – 102°.22.298 W GPS : 11033 Cap : 198° Sog : 4.5>5.5 nœuds
94 miles parcours = 3.91 nœuds Moteur : 2.5 hrs (charge batteries = désal)
Wind : EST 4>6 Be 16>26 nœuds moins de rafales
Mer : Houle forte, peu de déferlantes toujours vagues croisées = progression difficile
Ciel : Nuageux avec beaucoup de nuages gris de grains sec sans pluie
Pas assez et mal dormi, toujours réveillé par les alarmes, me sens las. En prenant mon café, je constate que le nerf de chute du génois est sorti de sa gaine et flotte au vent. La gaine usée est déchirée sur toute la hauteur, rien à faire sinon réduire au maximum la longueur du nerf pour qu’il ne prenne pas dans les barres de flèches. Une poulie de convoyage de la drosse enrouleur de génois est éclatée, je la remplace, plus inquiétant, une des trois laizes extérieures du point d’écoute du génois est décousue, c’est dangereux, faut réparer rapidement avant la grosse avarie. Je colle Carlos à la surveillance du pilote, le temps de nettoyer le désal et de le remettre en service. Ok ça marche. Tiens Carlos a l’air d’aller mieux, suppositoires MP3 dans les oreilles et sa clope il reste à l’extérieur ! A suivre.... La mer est difficile, on cogne beaucoup et la vitesse faiblit, l’organisme encaisse et on n’est pas sorti de l’enfer car déjà dès midi c’est un bon Gale 7 constant avec rafales supérieures. Pas une goutte de pluie, dommage cela ferait du bien car tout est blanc de sel, les coussins cockpit trempés ne sèchent plus, idem pour nos vêtements. A 23h00 c’est le pompon, 30>38 nœuds, ça cogne, on plante, on roule, on repart, suis pas assez en forme pour rester à la barre, vêtu de mon ciré je reste debout dans la descente regardant l’arrière de Petrushka, la gîte du mat d’artimon, ses vibrations, ses retours de rappels, le mur des déferlantes blanches qui arrivent derrière, est-ce la fatigue accumulée, mais je trouve cela inhumain, trop longtemps, c’est trop, je pense à Dieu, lui demande un peu de répit, on pense aussi au pire, aux proches, eux sur terre, « nous, disparus en mer, où, quand, comment ? » jamais on ne saurait, terrible pour Eux... Où es-tu Manureva ? Salut Alain....
Dieu, M’a-t-il entendu ? Maisi doucement la suite de la nuit sera de plus en plus calme, dès 02h00 , je renvoie plus de toile, certes la mer est creusée mais le vent reste stable et quelques étoiles et la lune apparaissent.
Fin de nuit en tranches de sommeil car je reste vigilant, sur mes gardes, pourtant quelle envie de dormir quelques heures non stop. Le cagnard tribord sur les filières a été arraché par une grosse déferlante qui venant de l’avant bâbord a surmonté le bateau, balayé le rouf, la capote, le cockpit et s’en est allée avec le cagnard, encore heureux que j’étais debout à l’abri dans la descente... Mais demain il faut que je comble ce vide, j’aime pas cela, on peut perdre une foule de choses. Pour l’avenir, je placerai également un filet sur le balcon arrière et partout, cela évite de perdre du matos à la gîte ou lorsqu’une vague passe sur le pont. La mer est énorme, quelle masse d’eau en mouvement, je perçois cependant les prémices d’une accalmie, ouf.
Non c’ est pas la Nuit, ou un Grain de Riz, de Sucre, un Grain de Beauté... ? Non un grain de Pluie. Je reprends mon récit du voyage après plusieurs journées difficiles ou il m’était impossible de rédiger sur l’ordinateur le vécu quotidien.
Mercredi 28 Mars (21 ème jour )
Position 30°.43.912. S- 102°.38.446. W GPS : 11138 Cap : 175° Sog : 4.5>5.8 nœuds
105 miles parcourus = 4.37 noeuds Moteur: 3h00 (charge batteries + désal)
Wind: EST 5>6 Be 20>25 noeuds établis pas de rafales
Mer : agitée Houle forte mais cela se calme
Ciel : Bleu avec nuages laiteux haute altitude vent plus frais on approche de l’Anticyclone Sud
Au réveil le soleil est au rendez vous et même s’il y a beaucoup de nuages gris, leur aspect est tout différent et le vent est frais. La mer et la houle se calment, il est certain que voila les prémices de l’influence de l’anticyclone. Il faut barrer un maximum, les conditions le permettent, ainsi on pourra plus facilement gagner de l’Est, lorsque l’on barre l’allure et le cap du bateau sont meilleurs, on voit, on sent, on anticipe.
Le baro a grimpé en flèche à 1033 htp , les cirrus et stratus hauts dans le ciel bleu remplacent les nuages de grains, le vent tourne lentement à ESE et s’établit à l EST. On avance bien. J’ai mis Carlos à la barre après un training d’une heure, insistant sur l importance d’une concentration permanente, surveiller la mer, le ciel, cap et vitesse du vent, je lui fais un peu peur en cas d’erreur ce serait grave pour nous, ainsi il se concentre un max avec un seul suppositoire MP3 . Ouf , enfin je lui ai trouvé un hobby et cela me permet de faire bien d’autres choses utiles à bord, comme un peu de nettoyage intérieur et de rangement. Trouvé aussi une solution au problème de port USB avec la connexion SailMail. Je me repose beaucoup et laisse Carlos s’amuser. Repas : pâtes-crème fromage-champignons. Carlos est de meilleure humeur, il a mal partout à ses petits muscles et avant de se coucher il se masse la nuque et les bras avec une pommade, l’effort a été pour lui énorme.... Ses problèmes de mal de mer, son abcès, sont en voie de guérison, le soleil, le ciel bleu, la mer semblent ainsi moins énormes... tant mieux car tout doucement j’arrivais à ma réserve de patience .... !
Je prépare le matos pour la réparation du point d’écoute du génois, je vais appliquer de chaque côté une plaque de 3mm en alu boulonnée de part en part + rivets pop. Demain il faut aussi transvaser 120 litres de gazoil.On se couche tôt, 19h30, avec 4 tours de rouleaux dans le génois, on va vite car la mer est assez calme.
Dès 22h30, je réduis déjà le génois, un vent froid souffle entre 20>25 nœuds et rend tout repos impossible, car Petrushka accélère, la lisse tribord dans l’eau, la nuit c’est pas rassurant.
00h30, je renvoie du génois et profite pour me brancher sur SailMail, cela fonctionne mais très lentement.
02h30, je réduis une nouvelle fois le génois , toujours ces rafales violentes de vent froid.
03h30, je renvoie du génois, on est planté on n’avance plus. La lune et les étoiles brillent. Ca repart.
05h30, je réduis une fois de plus, rafales à 24 nœuds. Il fait caillant, la mer est calme et belle.
La Mer que l’on voit danser.... celle-ci nous fait danser en permanence ......
Position : 29°.03.512 S – 102°.22.298 W GPS : 11033 Cap : 198° Sog : 4.5>5.5 nœuds
94 miles parcours = 3.91 nœuds Moteur : 2.5 hrs (charge batteries = désal)
Wind : EST 4>6 Be 16>26 nœuds moins de rafales
Mer : Houle forte, peu de déferlantes toujours vagues croisées = progression difficile
Ciel : Nuageux avec beaucoup de nuages gris de grains sec sans pluie
Pas assez et mal dormi, toujours réveillé par les alarmes, me sens las. En prenant mon café, je constate que le nerf de chute du génois est sorti de sa gaine et flotte au vent. La gaine usée est déchirée sur toute la hauteur, rien à faire sinon réduire au maximum la longueur du nerf pour qu’il ne prenne pas dans les barres de flèches. Une poulie de convoyage de la drosse enrouleur de génois est éclatée, je la remplace, plus inquiétant, une des trois laizes extérieures du point d’écoute du génois est décousue, c’est dangereux, faut réparer rapidement avant la grosse avarie. Je colle Carlos à la surveillance du pilote, le temps de nettoyer le désal et de le remettre en service. Ok ça marche. Tiens Carlos a l’air d’aller mieux, suppositoires MP3 dans les oreilles et sa clope il reste à l’extérieur ! A suivre.... La mer est difficile, on cogne beaucoup et la vitesse faiblit, l’organisme encaisse et on n’est pas sorti de l’enfer car déjà dès midi c’est un bon Gale 7 constant avec rafales supérieures. Pas une goutte de pluie, dommage cela ferait du bien car tout est blanc de sel, les coussins cockpit trempés ne sèchent plus, idem pour nos vêtements. A 23h00 c’est le pompon, 30>38 nœuds, ça cogne, on plante, on roule, on repart, suis pas assez en forme pour rester à la barre, vêtu de mon ciré je reste debout dans la descente regardant l’arrière de Petrushka, la gîte du mat d’artimon, ses vibrations, ses retours de rappels, le mur des déferlantes blanches qui arrivent derrière, est-ce la fatigue accumulée, mais je trouve cela inhumain, trop longtemps, c’est trop, je pense à Dieu, lui demande un peu de répit, on pense aussi au pire, aux proches, eux sur terre, « nous, disparus en mer, où, quand, comment ? » jamais on ne saurait, terrible pour Eux... Où es-tu Manureva ? Salut Alain....
Dieu, M’a-t-il entendu ? Maisi doucement la suite de la nuit sera de plus en plus calme, dès 02h00 , je renvoie plus de toile, certes la mer est creusée mais le vent reste stable et quelques étoiles et la lune apparaissent.
Fin de nuit en tranches de sommeil car je reste vigilant, sur mes gardes, pourtant quelle envie de dormir quelques heures non stop. Le cagnard tribord sur les filières a été arraché par une grosse déferlante qui venant de l’avant bâbord a surmonté le bateau, balayé le rouf, la capote, le cockpit et s’en est allée avec le cagnard, encore heureux que j’étais debout à l’abri dans la descente... Mais demain il faut que je comble ce vide, j’aime pas cela, on peut perdre une foule de choses. Pour l’avenir, je placerai également un filet sur le balcon arrière et partout, cela évite de perdre du matos à la gîte ou lorsqu’une vague passe sur le pont. La mer est énorme, quelle masse d’eau en mouvement, je perçois cependant les prémices d’une accalmie, ouf.
Non c’ est pas la Nuit, ou un Grain de Riz, de Sucre, un Grain de Beauté... ? Non un grain de Pluie. Je reprends mon récit du voyage après plusieurs journées difficiles ou il m’était impossible de rédiger sur l’ordinateur le vécu quotidien.
Mercredi 28 Mars (21 ème jour )
Position 30°.43.912. S- 102°.38.446. W GPS : 11138 Cap : 175° Sog : 4.5>5.8 nœuds
105 miles parcourus = 4.37 noeuds Moteur: 3h00 (charge batteries + désal)
Wind: EST 5>6 Be 20>25 noeuds établis pas de rafales
Mer : agitée Houle forte mais cela se calme
Ciel : Bleu avec nuages laiteux haute altitude vent plus frais on approche de l’Anticyclone Sud
Au réveil le soleil est au rendez vous et même s’il y a beaucoup de nuages gris, leur aspect est tout différent et le vent est frais. La mer et la houle se calment, il est certain que voila les prémices de l’influence de l’anticyclone. Il faut barrer un maximum, les conditions le permettent, ainsi on pourra plus facilement gagner de l’Est, lorsque l’on barre l’allure et le cap du bateau sont meilleurs, on voit, on sent, on anticipe.
Le baro a grimpé en flèche à 1033 htp , les cirrus et stratus hauts dans le ciel bleu remplacent les nuages de grains, le vent tourne lentement à ESE et s’établit à l EST. On avance bien. J’ai mis Carlos à la barre après un training d’une heure, insistant sur l importance d’une concentration permanente, surveiller la mer, le ciel, cap et vitesse du vent, je lui fais un peu peur en cas d’erreur ce serait grave pour nous, ainsi il se concentre un max avec un seul suppositoire MP3 . Ouf , enfin je lui ai trouvé un hobby et cela me permet de faire bien d’autres choses utiles à bord, comme un peu de nettoyage intérieur et de rangement. Trouvé aussi une solution au problème de port USB avec la connexion SailMail. Je me repose beaucoup et laisse Carlos s’amuser. Repas : pâtes-crème fromage-champignons. Carlos est de meilleure humeur, il a mal partout à ses petits muscles et avant de se coucher il se masse la nuque et les bras avec une pommade, l’effort a été pour lui énorme.... Ses problèmes de mal de mer, son abcès, sont en voie de guérison, le soleil, le ciel bleu, la mer semblent ainsi moins énormes... tant mieux car tout doucement j’arrivais à ma réserve de patience .... !
Je prépare le matos pour la réparation du point d’écoute du génois, je vais appliquer de chaque côté une plaque de 3mm en alu boulonnée de part en part + rivets pop. Demain il faut aussi transvaser 120 litres de gazoil.On se couche tôt, 19h30, avec 4 tours de rouleaux dans le génois, on va vite car la mer est assez calme.
Dès 22h30, je réduis déjà le génois, un vent froid souffle entre 20>25 nœuds et rend tout repos impossible, car Petrushka accélère, la lisse tribord dans l’eau, la nuit c’est pas rassurant.
00h30, je renvoie du génois et profite pour me brancher sur SailMail, cela fonctionne mais très lentement.
02h30, je réduis une nouvelle fois le génois , toujours ces rafales violentes de vent froid.
03h30, je renvoie du génois, on est planté on n’avance plus. La lune et les étoiles brillent. Ca repart.
05h30, je réduis une fois de plus, rafales à 24 nœuds. Il fait caillant, la mer est calme et belle.
La Mer que l’on voit danser.... celle-ci nous fait danser en permanence ......
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