Août 2006: Margarita, Cumana, Medregal

Nous quittons Margarita le 5 août. Les 6 bateaux amis des Testigos prennent chacun une route différente. Nous nous recroiserons sans doute.
Pour l’heure, le souci à bord de Petrushka est de trouver un mouillage sûr et tranquille où je pourrai rester seule pendant les deux semaines d’absence de Christian. Son vol au départ de Caracas est le 13 août. Nous avons donc une semaine pour trouver l’endroit idéal. Nous allons vers Cumana, petite ville située à l’entrée du golfe de Cariaco. La navigation se fait au moteur, sans vent. Nous sommes accompagnés de nombreux dauphins. Leur présence est toujours un cadeau magique.
Il n’y a personne au mouillage devant Cumana. L’endroit n’est pas sûr paraît-il. Nous entrons donc dans la petite marina. Les lieux ne sont pas très agréables, les pontons sont sales et le centre commercial juste à côté est particulièrement bruyant la nuit. Nous ne restons qu’un jour, le temps de faire le plein d’eau, d’arroser le pont et de trouver des anti- inflammatoires dans une pharmacie car je fais otite sur otite depuis 2 semaines. C’est assez douloureux.
Nous poursuivons notre recherche de mouillage confortable à l’intérieur du golfe de Cariaco, vers Medregal . Le golfe est profond d’environ 35 miles sur 10 de large. Il est ceinturé de collines désertiques du côté de la péninsule d’Araya. Du côté continent, les collines sont plus vertes et se prolongent par de hautes montagnes. Le début des Andes n’est pas si loin, au-delà de Merida, et l’on y atteint vite les 4 000 m d’altitude.
Dans le golfe, on voit encore des dizaines, si pas des centaines de dauphins. Mais ceux-là ne s’approchent pas du bateau. On avance sous voiles, avec un bon petit vent d’est. Nous arrivons au mouillage devant Medregal vers 17H30, le 7 août, sous un petit grain rafraîchissant. Nous retrouvons là pour deux jours « Fidelio » avec nos amis Nathalie et Alain et leurs 2 filles, rencontrés aux Testigos, et « Azzar » avec nos amis québécois Normande et Claude, que nous avions quittés à Grenade.
« Medregal Village » est un petit hôtel- restaurant, tenu par un compatriote, Jean-Marc. Le cadre est extra et Jean-Marc est très accueillant vis-à-vis des voiliers. Il met toute son infrastructure à leur disposition : douches et piscine sont gratuites et nous avons accès à internet, téléphone, laverie, restaurant, bar. Hormis quelques bateaux, les clients sont rares.
Il y a ici en préparation un chantier qui permettra bientôt de sortir les bateaux de l’eau pour les caréner ou les hiverner. Ce sera alors moins tranquille.
Medregal est pour moi l’endroit idéal où rester seule quelques temps. C’est super calme (voire un peu perdu), confortable, sécurisant et accueillant. Dommage, il n’y a pas de corps-mort disponible et je devrai rester à l’ancre, en espérant qu’il n’y aura pas de coup de vent qui me fera déraper.
Avant de s’installer, nous partons deux jours avec « Fidelio » mouiller tout au bout du golfe. De là, on peut remonter en annexe une petite rivière dans la mangrove et découvrir une faune avicole assez variée. Il y a comme toujours des pélicans et des frégates, mais aussi des hérons, des aigrettes, des perroquets colorés, des ibis blancs et de superbes ibis rouges. On les dirait vêtus de satin rouge à reflets orangés. On remonte un bout de la rivière en fin de journée et on regagne le bateau au coucher de soleil. Le lendemain on remet ça, en partant à l’aube. La lune est ronde à nouveau et les couleurs pastel du ciel sont magnifiques au-dessus de la légère brume qui recouvre le plan d’eau. Nous devons lutter contre le courant fort à l’aller et on se laisse glisser au retour, en redressant avec les rames dans les méandres de la mangrove. On ne rencontre aucun caïman, ni aucune mygale. En ce qui me concerne, ce n’est pas plus mal, surtout pour les mygales… Par contre, des crabes, des huîtres, des coquillages et des poissons- chats à foison.
Le 10 août nous sommes de retour à Medregal et Christian m’installe un ancrage en béton ; deux ancres empennelées (reliées directement l’une à l’autre par quelques mètres de chaîne. Ce système diminue considérablement le risque de dérapage) et on lâche dans les 6 m de hauteur d’eau nos 55 m de chaîne. Avec ça, le vent d’ouest pourra souffler s’il veut.

Le 12 août, Christian part vers Caracas prendre son avion. Il mettra exactement 48 heures de voyage, depuis Medregal jusqu’à chez son fils, près de Jodoigne. Je reste seul maître à bord, ça me convient pas mal. J’ai une liste de travaux divers à réaliser, comprenant des rangements et nettoyages, le grattage et le traitement à l’anti-rouille des cadènes, l’huile de teck à poser sur toutes les parties non traitées à Grenade, retendre les filières, … Je me fais un petit programme. Je travaille le matin, quand il ne fait pas encore trop chaud et l’après-midi je passe un peu de temps à terre, à profiter de la piscine et de la vie sociale que procure Medregal. L’ambiance entre les bateaux de passage est très conviviale. Au bout de 2 jours Jean- Marc et Joleida, sa femme

arrive « Lutin », bateau français du « groupe des six » des Testigos. Mais il ne reste qu’un jour. Arrive ensuite « Joline », autre bateau des Testigos, avec à bord Viviane et Patrick et leurs deux fils Maxime et Mano, 6 et 4 ans.
"Joline" et son équipage

Viviane est enceinte du troisième et ils sont à la recherche d’un endroit pour se poser quelques mois avant et après l’accouchement prévu le 26 septembre. Medregal leur semble être l’endroit rêvé. Après une visite au petit hôpital de Cariaco, ils se décident : Viviane accouchera là. C’est à 20 minutes en voiture (moitié piste et moitié route), c’est gratuit et c’est (à peu près) propre. Viviane n’est pas du genre à s’inquiéter à l’avance.

Visite de l'hôpital où accouchera Viviane

Au retour de Christian le 24 août, je n’ai pas vu le temps passer entre les travaux au bateau, la piscine et ses abords et le temps que j’ai passé avec Max et Mano pour permettre à Viviane de se reposer.
Je vais accueillir Christian au village en face de Medregal, de l’autre côté du golfe. Jean-Marc a organisé son retour avec les pêcheurs voisins, ce qui évite un long trajet en voiture ou taxi. Ils m’emmènent au coucher du soleil dans leur barque. Forte odeur de poisson... On met 30 minutes pour traverser le golfe. On attend une heure le taxi de Christian dans le noir complet car il y a une panne d’électricité. De gros crapauds nous donnent la sérénade. Christian arrive enfin et on retraverse le golfe avec Miguel et son fils, en admirant le plancton phosphorescent dans les gerbes d’écume que soulève notre barque.
Nous restons à Medregal encore 3 semaines. Patrick est menuisier- ébéniste et nous profitons de ses talents pour réaliser de petits aménagements sur Petrushka.

Le 18 septembre nous quittons Medregal, non sans une certaine tristesse. J’aurais aimé être là pour la naissance du bébé, qui est maintenant imminente. Mais il est temps de partir. Je commence à tourner en rond, j’ai des fourmis dans les jambes. J’ai hâte de découvrir de nouvelles facettes du Venezuela.
Nous nous arrêtons à Laguna Grande, toujours dans le golfe de Cariaco. C’est une immense baie de 2 miles de long. Le site est d’une beauté à couper le souffle. Nature rude, sèche et intacte. On se croirait sur un lac, entourés de collines nues sans fin, dans les dégradés de rouges et oranges allant jusqu’au gris- blanc. C’est un paysage désertique et somptueux. Le bord des collines qui dévalent dans l’eau est entouré de palétuviers dont le vert tendre contraste avec les tons ocrés de la terre. Pas une âme qui vive par ici. Quelques rares voiliers viennent parfois jeter leur ancre pour une courte période de calme et de silence. Les pélicans et les frégates habitent les lieux. Les crotales aussi paraît-il mais ils se font discrets. Nous admirons les oiseaux tôt le matin. Les frégates mâles ont leur jabot rouge gonflé. Je pense que ce doit être la saison des amours.
Nous restons 6 jours dans ce paradis sauvage et nous avons la joie d’y revoir nos amis belges de « Neblon » et suisses de « New Life ». Ils font route vers Medregal.

Le dimanche 24 août nous allons jusqu’à Cumana pour un réapprovisionnement en eau et en vivres. Nous manquons de tout. Cette fois nous avons épuisé beaucoup de nos réserves. C’est l’occasion aussi d’une connexion internet. Et pour une fois, vous avez de nos nouvelles en temps réel.

Nous poursuivons notre route plus à l’ouest. Nous nous arrêterons à Mochima et à Puerto la Cruz avant de regagner le large et les îles. Tortuga d’abord, puis Los Roques, Los Aves et ensuite les A B C, Bonnaire, Curaçao et Aruba dans l’ordre. A bientôt.